En 2022, le Fonds Sylvie Gentil a attribué des bourses de résidence à trois lauréats :
Julie Gary Bonte
pour l’édition critique de Rhapsodies sur la musique, choix de textes (ou Sélection de littérature, Wenxuan 文選), attribués à Xiao Tong 蕭統† (501-531), à paraître aux éditions Les Belles Lettres.
Ces textes issus d’une tradition poétique particulière, composées entre l’époque des Han et les Six Dynasties, autrement dit entre le IIIème siècle avant notre ère et le VIème siècle de notre ère. Il s’agit de poèmes thématiques prenant pour objet différents instruments de musique (flûte, cithare, orgue à bouche, etc.), et consistant non seulement dans leur description formelle et matérielle, mais aussi et surtout dans l’évocation des valeurs et symboles qui leur sont attachés, de leurs associations dans l’histoire, les légendes et la littérature des temps passés.
Selon la traductrice, « ces textes, en plus d’être d’une grande qualité littéraire, sont également l’expression des conceptions esthétiques de leurs auteurs, et laissent entrevoir, à différents degrés, un certain fond idéologique, une certaine position politique, morale, un certain rapport à la tradition, qu’il faut éclairer pour saisir toute leur portée. »
Julie Gary-Bonte découvre la traduction littéraire en cours d’anglais au lycée. Hésitant entre l’anglais et l’allemand, elle s’oriente finalement vers la philosophie… avant de revenir aux langues. Hésitant entre le japonais et l’arabe, elle choisit finalement le chinois. À Pékin, elle rencontre des écrivains, poètes, qui aiguisent son désir de traduire. Mais les circonstances portent ses pas vers la Chine ancienne, et vers les lettrés de l’époque médiévale. Étudiante, elle consacre ses différents mémoires à l’esthétique de la musique. Désormais enseignante à l’université, c’est l’exploration de ces écrits qu’elle poursuit, conciliant son goût pour la philosophie, la poésie, la recherche et la traduction.
Yann Varc’h Thorel et Yun LIU ( 劉耘 )
pour la traduction (à paraître aux éditions La Barque) de Fleuves et Océan 1949 (大江大海 1949), de LUNG Yin-Tai (龍應臺), paru en 2009, et dont le retentissement dans le monde chinois a été phénoménal.
Cet ouvrage a conservé sa place parmi les best-sellers durant dix ans, alors même qu’il était censuré en Chine continentale, où des centaines de milliers de lecteurs l’ont téléchargé illégalement et en ont réalisé des éditions pirates. Le sujet sensible de ce livre explique cette censure : la guerre civile chinoise des années 1940 qui a conduit le régime nationaliste de Tchang Kaï-chek à se réfugier dans l’île de Taïwan en 1949. Enquête sur les racines familiales, sa parution déclencha tant en Chine qu’à Hong Kong une vague de collectage de récits oraux personnels et familiaux. Les parcours de vie recensés ici évoquent à la fois la résistance à l’occupation japonaise, la guerre du pacifique, et la guerre civile entre armée nationale et armée communiste.
« Dans sa recherche des mémoires enfouies, écrivent les traducteurs, l’autrice n’opte ni pour le camp du Kuomintang ni pour celui du Parti communiste chinois. En vérité, elle les démasque tous deux. S’il y a prise de position chez LUNG, c’est celle du pacifisme et de l’humanisme. Son œuvre dépasse, à nos yeux, son cadre historique et géographique et acquiert une importance philosophique et sociale dans le monde contemporain. »
Yann Varc’h Thorel s’est jusqu’à présent essentiellement consacré à la poésie et à l’anthropologie. Il a traduit à quatre mains avec Liu Yun les textes tardifs et denses du poète en exil Gu Cheng (spectre en Ville, suivi de Ville, (poésie) ainsi que Sur l’île, (prose) éd. Les Hauts-Fonds, 2021 / Illustres contes illustrés de l’île aux eaux tumultueuses, éd. La Barque, 2023). Navigation Gu Cheng qui se poursuit, avec les mêmes éditeurs, en 2023 et 2024. Les Presses de l’Inalco ont également publié sa traduction de l’anthropologue Fei Xiaotong, Aux racines de la société chinoise, en collaboration avec Huang Hong, et ont pour projet de publier, de Li Xia, Entre famille de la mère et famille de la belle-mère : l’espace de vie des femmes et leur influence en coulisse en Chine.
Membre du collectif CAFÉ, il a notamment traduit pour la revue (numéro 3 Naufrage) des textes de tubes pop hongkongais, toujours avec Liu Yun, et organise des lectures de traductions.
Traducteur (il prépare le surgeon breton du second roman de Gao Xingjian, « 一个人的圣经 »), il est aussi éditeur en breton et projette de bientôt publier un poème de Mani Leib, traduit du yiddish par le poète Koulizh Kedez et Batia Baum : Yingl Tsingl Khvat.
Il enseigne la langue en école primaire Diwan.
Née à Shanghai, 劉耘LIU Yun a vécu 20 ans à Pékin. Ayant une formation de base en lettres chinoises puis en littérature comparée, elle a longtemps travaillé dans l’enseignement de la langue et de la littérature chinoises avant de se convertir à l’anthropologie à son arrivée en France. Elle prépare une thèse en anthropologie à l’Inalco dont l’objet consiste en les groupes d’amateurs pratiquant le théâtre chanté traditionnel chinois. Parallèlement, elle est engagée dans des projets de traduction littéraire dans les deux sens : du chinois vers le français, à quatre mains avec Yann Varc’h Thorel, les œuvres tardives et denses du poète Gu Cheng 顧城, dont les plus récentes ont paru aux édition La Barque, Illustres contes illustrés de l’île aux eaux tumultueuses (2023), et aux éditions Les Hauts-Fonds, spectre entre en Ville (poèmes), Sur l’île (proses) en 2021. Dans l’autre sens, elle traduit actuellement en chinois deux volumes de la collection Histoire générale de la Chine des éditions Les Belles Lettres : Les Qin et Han et La dynastie des Song, à paraître aux éditions NéoCogito (Pékin) en 2023/2024.
Julie Gary Bonte, Yann Varc’h Thorel et Yun LIU ( 劉耘 ) ont été accueillis en résidence au Collège International des Traducteurs Littéraires (CITL) d’Arles en 2023 pour travailler sur ces projets de traduction.